Le succès d'une course...

Billet personnel :

Même si elle paraît absente de l’actualité française, la Coupe de l’America est bien une compétition mondiale réunissant la crème du monde de la voile. On aurait tort de penser que seule la France paraît être la patrie de la voie. Cette idée auto-centrée nous vient sans doute d’EricTabarly. Loin de moi l’idée de remettre en cause son talent et son œuvre. Mais on peut dire qu’avec lui, les Français ont appris à être chauvin dans le monde de la voile. Depuis cette époque, les médias se centrent sur ce que le territoire français propose en matière de voile et l’on en oublie de considérer qu’il existe une multitude d’autres courses, aussi bien côtières qu’océaniques et même plus prestigieuses.
On se plait à analyser le monde de la voile à travers les acteurs du Vendée Globe ou encore du Trophée Jules Verne. On se plaît donc à mettre les Français en haut de l’échelle et les Anglais en second (comme toujours !). Or si l’on sort de ce que les médias traditionnels nous envoient, on peut voir qu’en ce mois-ci même, se déroule la Volvo Ocean Race, une course océanique par étapes qui fait le tour du monde et où s’affrontent les meilleurs équipages. Pour en revenir au sujet de ce site, on peut parler notamment des America’s Cup World Series qui vont bientôt reprendre et sur le plan d’eau de Venise.
Pour conclure cette parenthèse sur le peu d’attention que l’on accorde aux événements extraterritoriaux, il serait doublement avantageux de retransmettre et d’informer sur ces événements de la voile sportive. Premièrement, les Français font tout de même partie des meilleurs marins et s’intéresser à leurs courses à l’étranger ne ferait que leur rendre honneur. Deuxièmement, une meilleure communication de ces événements en France pourrait raviver l’intérêt de la voile pour la population et encourager les entreprises à sponsoriser des courses, des bateaux, des équipages, dans le but d’offrir toujours plus de spectacle aux gens.

Les raisons du succès de la Coupe de l'America :

Maintenant si l’on en revient à la Coupe de l’America en elle-même, il s’agit d’un événement international incontestablement. Tout d’abord, la Coupe de l’America est importante avec son côté financier. On peut parler ici des sponsors : BMW, Oracle, Areva… Il s’agit d’une compétition féroce entre entreprises au nom de la publicité. Dans cette course industrielle, les innovations technologiques font l’objet de convoitises, les espionnages sont monnaie courante ainsi que les recours en justice. 

Si l’on se penche sur le côté juridique de la Course, il faut mentionner que son succès est aussi due paradoxalement au caractère strict et à la fois souple de cette course. En effet la course présente plusieurs textes la régissent, des nouveautés viennent s’ajouter à chaque édition. La dernière en date est l’interdiction pour un employé d’une Team d’être embauché par un concurrent lorsque la Coupe de l’America est commencée (début de la Louis Vuitton Cup). Ce lot de règles précises fait qu’à chaque édition, les tribunaux sont saisis par les Teams pour obtenir des avantages dans le déroulement de la Course. Par exemple, la tradition veut que ce soit le Defender qui choisit le plan d’eau sur lequel se déroulera la course. La dernière Team à avoir gagnée fut l’équipe suisse Alinghi et souhaitait que la prochaine course se fasse dans la région du Golfe. Après plusieurs mois de procédure en justice, il se trouva que l’équipe Challenger (BMW Oracle) eut raison et le terrain choisi fut Valence en sur la côté méditerranéenne espagnole. C’est ce caractère très judiciaire, encouragé par les masses folles d’argent en jeu, qui participe à l’attrait pour cette course. Toutefois, à l’opposé de ce côté très procédural de la course, on peut dire que la Coupe de l’America reste assez souple. Elle se cantonne à respecter les mêmes règles, selon le Deed of Gift (texte datant de la première édition), mais la course reste encore assez peu encadrée pour que les rebondissements, les changements de plans d’eau aux quatre coins du monde soient possibles.

Le trimaran BOR90, victorieux de l'America's cup lors de la 33ème édition, notamment grâce à son aile rigide. Le mât fait 72 mètres de hauteur.

Dans cette course où les intérêts sont grands, ce qui intéresse le public c’est aussi l’innovation technologique. En effet, on peut faire la comparaison avec la Formule 1 en automobile. La recherche de la coupe et de l’exposition publicitaire qu’elle permet fait que les sommes investies dans l’innovation sont considérables. Un exemple concret de ce que produit la Coupe de l’America, c’est l’aile rigide adoptée (non pas pour la première fois, mais remise au goût du jour plus efficacement) par BMW Oracle lors de la 33ème édition de la coupe. A quelques mois de la course, leur navire BOR90 subit un démâtage. Le choix de l’équipe est alors de remplacer ce mât par une aile rigide articulée. L’équipe suisse concurrente, Alinghi, choisit de conserver son mât avec une Grand Voile. Le jour de la course, le trimaran gigantesque BOR90 remporte avec une confortable avance la course. Le système à aile rigide a montré son efficacité et pour cause : les nouveaux AC45,  sur lesquels se dérouleront les premières phases de la prochaine Coupe de l’America, disposent de mât à aile rigide.

Troisièmement, ce qui garantit le succès de cette compétition est son côté spectaculaire. Les nouvelles règles et les nouvelles courses comme les America’s Cup World Series, ont cet objectif de rapprocher le spectateur au plus près de la course. Ainsi les régates se font au plus près des côtes et les collisions, les « plantés », les chavirages régalent les yeux du public. Dans cette optique, le choix a été fait de se porter sur des multicoques depuis la dernière édition. Les multicoques sont plus impressionnants, plus véloces, plus difficile à contrôler, que les monocoques.


Ces trois éléments font que la Coupe de l’America est un événement mondial et qu’elle tend à conquérir un public toujours plus nombreux. Il reste à espérer que cette compétition garde son charme et son intégrité et qu’elle ne se laisse pas « éclabousser » par des conflits d’intérêts à la vue des sommes en jeu.


par Corentin Guilbaud