Histoire de la course




 La genèse...

John Cox Stevens, au nom du New York Yacht Club, lança un défi à Lord Wilton, commodore du Royal Yacht Squadron. La goélette America devait s'opposer aux meilleures unités britanniques au cours de régates organisées à l'occasion de l'Exposition universelle de Londres. Le défi avait été relevé. Alors que la goélette, nommée America, en tête de la flotte, doubla puis salua le bateau royal en agitant son insigne à trois reprises, la reine Victoria demanda à l’un de ses serviteurs qui était alors en seconde place. "Votre Majesté, il n’y a pas de second" fut la réponse. Cette phrase de quatre mots, reste, encore aujourd’hui, la meilleure description possible de l’America's Cup qui illustre la poursuite de l’excellence.

Ce 22 août 1851, la goélette America, navigant sous le pavillon du récent New York Yacht Club, vainquit le meilleur de la marine britannique et remporta la Coupe des 100 Guinées du Royal Yacht Squadron, contre toute attente. Ceci fut bien plus qu’une simple régate car cette victoire symbolisa aussi celle du nouveau monde sur l’ancien, une défaite surprenante pour la marine britannique qui dominait alors le monde.

Plus de 150 ans de progrès technologiques, poussés par la compétition sportive, séparent ces deux voiliers : à gauche, une réplique de la goélette "America", qui gagna la coupe à laquelle elle donna son nom en 1851; à droite, "Team Origin", l'un des challengers de la Coupe de l'America 2009.


Le trophée appartenait désormais à la jeune démocratie américaine et il le fut pendant plus de 100 ans avant que New York le voit disparaître à nouveau.
Peu après qu’America remporta la Coupe des 100 Guinées en 1851, John Cox Stevens vendit la goélette puis, avec le reste de son syndicat, ils retournèrent à New York où ils furent accueillis comme des héros. Ils léguèrent le trophée au New York Yacht Club, sous un Deed of Gift, un document certifiant que le trophée devrait être “perpétuellement remis en jeu à l’occasion d’un défi amical entre nations."
          
Ainsi naquit l’America's Cup, dont le nom provient de la goélette victorieuse, America.

L’America's Cup est sans aucun doute le trophée sportif le plus difficile à remporter et à conserver. En plus de 150 ans, depuis cette première course au large de l’Angleterre, seuls quatre pays se sont adjugés ce qui est souvent nommé “le plus vieux trophée sportif international.” En comparaison, il faut considérer qu’il avait déjà eu neuf confrontations pour l’America's Cup avant les premiers Jeux Olympiques modernes d’Athènes en 1896.


Les premières remises en jeu...

Le tout premier défi était mené par le britannique James Ashbury, qui affronta une flotte du New York Yacht Club, juste au large de Staten Island, en 1870. Suite à de nombreuses mises au point concernant les conditions de course, Cambria d’Ashbury termina dixième sur une flotte de 17 bateaux, entraînant la tenue d’un nouveau challenge l’année suivante.

L’America's Cup match de 1871 vit le début des nombreuses batailles juridiques qui allaient s’emparer de la Coupe pour les 100 années à venir. Après avoir consulté ses avocats, Ashbury insista pour régater contre un bateau seulement et non contre une flotte entière puis il protesta contre les résultats des courses ainsi que le comité de course qui avait établi le parcours. En fin de compte, il est rentré chez lui en se plaignant du manque d’esprit sportif de la part des américains et en soutenant qu’il avait remporté l’America’s Cup, en vain.

Les deux Challengers suivants, qui représentaient le Canada, furent rapidement vaincus par les américains.


L’époque Lipton

Sir Thomas Lipton


Avant la fin de ce siècle, six autres challenges eurent lieu y compris le premier de ce qui pourrait être nommé l’ère Lipton de l’America's Cup. Sir Thomas Lipton, le magnat irlando-écossais du thé y participa à cinq reprises entre 1899 et 1930. Persévérant et bon perdant, c’était un homme qui faisait agréablement face aux nombreux obstacles qu’il rencontra, ce qui lui valut de devenir un héros au même titre que son entreprise se développa en Amérique.

Bien que Lipton n’ait pas remporté America's Cup, il fut le précurseur du partenariat sportif, une excellente opportunité financière pour ses affaires. Le dernier challenge de Lipton en 1930 fut le premier à se dérouler à bord de la nouvelle classe J. C’était la période des magnifiques yachts, où les mâts supportaient un nombre incroyable de voiles aux abords de la marina de Newport, dans l’état de Rhode Island aux Etats-Unis. Cette année-là, Harold Vanderbilt fut sélectionné pour défier le New York Yacht Club et il s’adjugea la Coupe sans difficulté.



Les 12 mètres J d'après-guerre

La deuxième guerre mondiale marqua la fin des Classes J et lorsque l’America’s Cup reprit du service en 1958, ce fut le début de l’époque des 12 Mètres J. Les américains défendirent leur trophée avec succès à huit reprises durant les 25 années qui suivirent. Malheureusement, en 1939, sept des dix Classe J originaux furent utilisés en tant que ferraille pour contribution à l’effort de guerre. Les trois Classe J rescapés, qui ont tous participé à l’America's Cup dans les années 1930, ont été restaurés et ils naviguent encore de nos jours.


Les débuts des challenger series

En 1970, comme de nombreux yacht clubs souhaitaient participer à l’America’s Cup, une sélection a été mise en place pour la première fois afin de choisir le Challenger qui défierai le Defender, représentant le New York Yacht Club.

Le malletier français Louis Vuitton s’est engagé dans l’America's Cup en 1983, pour sponsoriser la Challenger Selection Series qui devint célèbre sous le nom de la Louis Vuitton Cup. Son rôle est double : sélectionner le meilleur challenger pour l’America's Cup et dans une moindre mesure, le préparer à défier le Defender.

Les Defenders ont organisé ce type de sélection durant la majeure partie du siècle dernier mais jusqu’à récemment il n’y avait qu’un seul Challenger.


L’America's cup quitte l'Amérique

L’Australie était l’une des nations challenger en 1983 et ‘les hommes d’en bas’ utilisèrent une arme secrète. Australia II arborait un kangourou en position de boxeur sur sa quille à ailettes révolutionnaire qui le propulsait une vitesse bien supérieure à toutes les allures. Les australiens gardèrent ce secret bien caché en le protégeant à l’aide de grandes bâches recouvrant la quille du pont au sol lorsque le bateau était sorti de l’eau à l’abri des regards tout en suscitant la curiosité générale.

Dennis Conner, 'Mr. America's Cup', qui était chargé d’affronter les australiens arrivistes, a largement battu toute la flotte des challengers puis il a remporté la Louis Vuitton Cup. Cet été-là, en 1983, l’America's Cup faisait les gros titres de tous les médias. Ce fut un moment historique : la suprématie du New York Yacht Club était enfin remise en question au bout de 132 ans. Des problèmes d’équipements avaient permis à Conner de prendre la tête de la série mais le skipper australien John Bertrand avait riposté en égalisant le score à 3-3.

La septième et ultime régate résumait en elle-même la série, avec Liberty en tête skippé par Conner pendant la plupart de la course dans un vent faible et instable. Ce ne fut que lors du dernier bord de spi qu’Australia II put prendre et conserver le contrôle de la course malgré une dernière tentative vaine lors des minutes restantes. Pour la première fois en 132 ans, l’America's Cup échappait au New York Yacht Club.

Conner, alors membre du San Diego Yacht Club, gagna le droit de se représenter en 1987. A Fremantle, il remporta la Louis Vuitton Cup qui fit de son syndicat le Challenger auteur d’une victoire nette 4 à 0. Cette America’s Cup fut un réel spectacle sur l’eau, avec la célèbre “Fremantle Doctor,” une forte brise marine soufflant l’après-midi et offrant des conditions de navigation incroyables dans une mer déchaînée contre les régatiers et leur embarcations.


Retour aux USA

Dennis Conner, félicité par le Président Reagan puis accueilli en héros national dans les rues de New York, n’était pas pressé de communiquer les détails du prochain événement mais la Nouvelle-Zélande, décida de tirer profit d’une faille du Deed of Gift centenaire, en demandant l’organisation d’un nouveau défi immédiat dès 1988.

Le résultat fut que deux styles très différents de bateaux s’affrontèrent, avec les Kiwis à bord d’un énorme monocoque long de 134 pieds contre Conner à bord d’un catamaran doté d’une aile révolutionnaire, beaucoup plus petit mais plus rapide. Les américains remportèrent la série de trois manches et suite à de nombreuses poursuites judiciaires - les équipes passèrent beaucoup plus de temps aux tribunaux que sur l’eau – le résultat resta identique.


Une nouvelle génération - l'America's cup Class

Un des points positif issu du fiasco de 1988 était la création d’une nouvelle classe de bateau plus moderne et plus adaptée aux vents faibles de San Diego : l’America's Cup Class.
Bateau de Team New Zealand - Class America

Selon la jauge, tous les bateaux devaient se ressembler bien que les architectes pouvaient cependant améliorer leur vitesse. Cette liberté permettra que les modèles progressent d’une génération à l’autre.

En 1992, deux syndicats américains se sont présentés aux Defender Series, durant lesquelles Dennis Conner fut battu et perdit le droit de défendre la Coupe contre le milliardaire américain Bill Koch avec son programme de quatre bateaux America. Du côté des challengers, la Nouvelle-Zélande rencontra les italiens à bord de Il Moro de Venezia Challenge skippé par Paul Cayard. Lors de la bataille finale pour la 29ème America's Cup, Koch, parfois à la barre et son skipper Buddy Melges, défendirent avec succès l’America's Cup.


L’année des Kiwis

1995 fut l’année des Kiwis. Dirigés par Sir Peter Blake et avec Russell Coutts à la barre, les Black Magic de Nouvelle-Zélande dominèrent les autres challengers à San Diego. Puis, ils s’imposèrent face à Dennis Conner et Paul Cayard, associés pour défendre la Coupe qui fit son retour dans l’hémisphère sud.

L’équipage de Sir Peter Blake avait déclaré qu’il n’y aurait pas de Defender Selection Series et Team New Zealand a tout misé sur des entraînements à domicile, en puisant dans son réservoir de jeunes talents pour repousser les limites de Coutts.

Au même moment, la Louis Vuitton Cup de 2000 a offert, ce qui peut être considéré comme étant sans doute, les deux meilleures semaines de course dans toute l’histoire de l’America's Cup. Les Italiens du syndicat Prada vainquirent AmericaOne skippé par Paul Cayard, en gagnant 5 à 4. Non seulement les séries étaient serrées mais beaucoup de courses se sont jouées à quelques longueurs avec des changements de leader en continu.

Mais Luna Rossa de Prada, bien que la bataille fût rude, ne constitua pas un obstacle pour Team New Zealand. Le skipper Russell Coutts s’imposa avec son syndicat néo-zélandais 4 à 0 – en égalisant le record de victoires consécutives dans l’America's Cup détenu jusque là par Charlie Barr 100 ans plus tôt – avant de passer la barre à Dean Barker qui devint le plus jeune skipper à l’âge de 26 ans à remporter l’America's Cup. Team New Zealand semblait alors tellement en avance comparé aux autres challengers que l’America's Cup paraissait désormais appartenir au Royal New Zealand Yacht Squadron pour un long moment à venir.

Mais peu de temps après cette victoire, Russell Coutts suivi de nombreux fidèles rejoignirent une nouvelle équipe montée par l’entrepreneur suisse Ernesto Bertarelli.

En quelques mois, on assista à une scène rappelant les débuts de l’America’s Cup, avec les hommes d’affaires les plus puissants au monde déclarant leur intention de s’emparer de la Coupe. Financés par Patrizio Bertelli de la maison de haute couture Prada, les Italiens étaient de retour aux côtés de trois syndicats américains solides, des équipes sponsorisées par le guru d’Oracle software Larry Ellison ainsi que par Pacific Northwest dirigée par Craig McCaw et Paul Allen. Les autres équipes provenaient de France, d’Italie, de la Suède et pour la première fois en 16 ans, la Grande-Bretagne, tenta de récupérer le trophée perdu 151 ans plus tôt.

L'aiguière d'argent - Trophée de la Coupe de l'America
Après quatre mois de Round Robin et d’élimination, la Louis Vuitton Cup Challenger Series laissa place à une finale en neuf manches entre Alinghi l’équipe d’Ernesto Bertarelli et BMW ORACLE Racing de Larry Ellison. Les deux équipes se présentèrent sur la ligne de départ avec une liste impressionnante de records à leur actif et les courses qui s’en suivirent les amenèrent à égalité. Bien que le score final fût de 5 à 1 pour Alinghi, il ne reflétait pas combien les courses étaient serrées.

La bataille pour remporter la Louis Vuitton Cup avait formé un challenger très expérimenté et elle abouti à un match très attendu entre Coutts et son précédent syndicat mené par Dean Barker. Malheureusement pour les Kiwis, Team New Zealand n’était pas assez entraîné. Des problèmes techniques eurent raison d’eux et Alinghi s’imposa 5 à 0, en emportant l’America's Cup en Europe pour la première fois.


Retour en Europe

Peu après leur victoire, la Société Nautique de Genève (SNG) accepta le syndicat du Golden Gate Yacht Club, dans le cadre de l’organisation de la 32ème America's Cup. Un nouveau protocole fut publié, détaillant les plans pour l’événement à venir. Il était prévisible que l’arrivée en Europe de la Coupe signifierait un changement radical pour l’America's Cup. En profitant de ce que certains percevaient comme étant un problème pour le nouveau Defender (Il n’y a pas de mer en Suisse), la SNG annonça que le choix de la ville d’accueil prendrait du temps, en raison de la prise en compte des critères qui garantiraient des conditions de navigation fiables.

La règle de nationalités fut abolie, autorisant les équipes à engager les meilleurs dans leur domaine indépendamment de leur passeport et les règles de transfert de technologies d’anciens syndicats étaient assouplies afin que les nouvelles équipes accèdent aux vieilles informations. Plus important, un comité d’organisation, AC Management, fut créé et chargé de superviser tous les aspects de la 32ème America's Cup y compris la Challenger Selection Series. En bref, l’America's Cup changeait d’ère.

La 32ème édition de l’America's Cup à Valencia, en Espagne, fut un succès à plusieurs niveaux. En sélectionnant la ville, les organisateurs générèrent des revenus sans précédent. Un programme de quatre ans amena l’America’s Cup dans d’autres villes européennes et développa un intérêt populaire pour l’événement. Et les équipes provenant d’Afrique du Sud et de Chine, contribuèrent à l’envergure mondiale de l’événement.

Emirates Team New Zealand, rajeuni grâce à son nouveau dirigeant Grant Dalton, remporta la Louis Vuitton Cup et gagna à nouveau le droit d’affronter Alinghi. Mais bien que les Kiwis remportèrent un certain nombre de courses et en perdirent une à juste une seconde d’écart, le Defender prouva qu’il était plus fort et conserva son titre.


La bataille des multicoques

Immédiatement après avoir défendu avec succès la Coupe, la SNG annonça avoir accepté un nouveau challenge porté par un yacht club espagnol récemment créé, le CNEV, et elle publia le Protocole pour la 33ème America's Cup.

Alinghi 5, concurrent de BOR90 en 2010. Il présente un mât de 50m de hauteur.

Divers membres de la communauté de l’America’s Cup se montrèrent réticents à la lecture du Protocol et BMW ORACLE Racing, avec Larry Ellison en tête, contesta la validité du nouveau yacht club espagnol. Les tribunaux leurs donnèrent raison et le GGYC devint le challenger of record. Alors que le GGYC et la SNG furent incapables de parvenir à un accord sur le nouveau Protocol, la 33ème America's Cup se résuma à un 'Deed of Gift' Match, comme en 1988.

Il y eut de nombreux procès à l’initiative des deux parties. A la fin, les deux équipes ayant assimilé la leçon de 1988, construisirent deux énormes catamarans. Puis quelques mois avant le Match, BMW ORACLE Racing remplaça sa voile souple par une aile, la plus grande aile jamais conçue.

Lorsque les bateaux se présentèrent sur la ligne de départ, à Valencia en février 2010, le trimaran de BMW ORACLE Racing avec son aile puissante domina Alinghi. Le skipper James Spithill, tout juste âgé de 30 ans, s’imposa 2 à 0.

L’America’s Cup sera, à nouveau, défendue par une équipe américaine lors de la 34ème édition.