La genèse...
John Cox Stevens, au nom du New York Yacht Club, lança un défi à Lord Wilton, commodore du Royal Yacht Squadron. La goélette America devait s'opposer aux meilleures unités britanniques au cours de régates
organisées à l'occasion de l'Exposition universelle de Londres. Le défi
avait été relevé. Alors
que la goélette, nommée America, en tête de la flotte, doubla puis
salua le bateau royal en agitant son insigne à trois reprises, la reine
Victoria demanda à l’un de ses serviteurs qui était alors en seconde
place. "Votre Majesté, il n’y a pas de second" fut la réponse. Cette
phrase de quatre mots, reste, encore aujourd’hui, la meilleure
description possible de l’America's Cup qui illustre la poursuite de
l’excellence.
Ce 22 août 1851, la goélette America, navigant sous
le pavillon du récent New York Yacht Club, vainquit le meilleur de la
marine britannique et remporta la Coupe des 100 Guinées du Royal Yacht
Squadron, contre toute attente. Ceci fut bien plus qu’une simple régate
car cette victoire symbolisa aussi celle du nouveau monde sur l’ancien,
une défaite surprenante pour la marine britannique qui dominait alors le
monde.
Le trophée appartenait désormais à la jeune démocratie
américaine et il le fut pendant plus de 100 ans avant que New York le
voit disparaître à nouveau.
Peu après qu’America remporta la
Coupe des 100 Guinées en 1851, John Cox Stevens vendit la goélette puis, avec le reste de son syndicat, ils
retournèrent à New York où ils furent accueillis comme des héros. Ils
léguèrent le trophée au New York Yacht Club, sous un Deed of Gift, un
document certifiant que le trophée devrait être “perpétuellement remis
en jeu à l’occasion d’un défi amical entre nations."
Ainsi naquit l’America's Cup, dont le nom provient de la goélette victorieuse, America.
L’America's
Cup est sans aucun doute le trophée sportif le plus difficile à
remporter et à conserver. En plus de 150 ans, depuis cette première
course au large de l’Angleterre, seuls quatre pays se sont adjugés ce
qui est souvent nommé “le plus vieux trophée sportif international.” En
comparaison, il faut considérer qu’il avait déjà eu neuf confrontations
pour l’America's Cup avant les premiers Jeux Olympiques modernes
d’Athènes en 1896.
Les premières remises en jeu...
Le
tout premier défi était mené par le britannique James Ashbury, qui
affronta une flotte du New York Yacht Club, juste au large de Staten
Island, en 1870. Suite à de nombreuses mises au point concernant les
conditions de course, Cambria d’Ashbury termina dixième sur une flotte
de 17 bateaux, entraînant la tenue d’un nouveau challenge l’année
suivante.
L’America's Cup match de 1871 vit le début des
nombreuses batailles juridiques qui allaient s’emparer de la Coupe pour
les 100 années à venir. Après avoir consulté ses avocats, Ashbury
insista pour régater contre un bateau seulement et non contre une flotte
entière puis il protesta contre les résultats des courses ainsi que le
comité de course qui avait établi le parcours. En fin de compte, il est
rentré chez lui en se plaignant du manque d’esprit sportif de la part
des américains et en soutenant qu’il avait remporté l’America’s Cup, en
vain.
Les deux Challengers suivants, qui représentaient le Canada, furent rapidement vaincus par les américains.
L’époque Lipton
![]() |
Sir Thomas Lipton |
Avant
la fin de ce siècle, six autres challenges eurent lieu y compris le
premier de ce qui pourrait être nommé l’ère Lipton de l’America's Cup.
Sir Thomas Lipton, le magnat irlando-écossais du thé y participa à cinq
reprises entre 1899 et 1930. Persévérant et bon perdant, c’était un
homme qui faisait agréablement face aux nombreux obstacles qu’il
rencontra, ce qui lui valut de devenir un héros au même titre que son
entreprise se développa en Amérique.
Bien que Lipton n’ait pas
remporté America's Cup, il fut le précurseur du partenariat sportif, une
excellente opportunité financière pour ses affaires. Le dernier
challenge de Lipton en 1930 fut le premier à se dérouler à bord de la
nouvelle classe J. C’était la période des magnifiques yachts, où les
mâts supportaient un nombre incroyable de voiles aux abords de la marina
de Newport, dans l’état de Rhode Island aux Etats-Unis. Cette année-là,
Harold Vanderbilt fut sélectionné pour défier le New York Yacht Club et
il s’adjugea la Coupe sans difficulté.
Les 12 mètres J d'après-guerre
La
deuxième guerre mondiale marqua la fin des Classes J et lorsque
l’America’s Cup reprit du service en 1958, ce fut le début de l’époque
des 12 Mètres J. Les américains défendirent leur trophée avec succès à
huit reprises durant les 25 années qui suivirent. Malheureusement, en
1939, sept des dix Classe J originaux furent utilisés en tant que
ferraille pour contribution à l’effort de guerre. Les trois Classe J
rescapés, qui ont tous participé à l’America's Cup dans les années 1930,
ont été restaurés et ils naviguent encore de nos jours.
Les débuts des challenger series
En
1970, comme de nombreux yacht clubs souhaitaient participer à
l’America’s Cup, une sélection a été mise en place pour la première fois
afin de choisir le Challenger qui défierai le Defender, représentant le
New York Yacht Club.
Le malletier français Louis Vuitton s’est
engagé dans l’America's Cup en 1983, pour sponsoriser la Challenger
Selection Series qui devint célèbre sous le nom de la Louis Vuitton Cup.
Son rôle est double : sélectionner le meilleur challenger pour
l’America's Cup et dans une moindre mesure, le préparer à défier le
Defender.
Les Defenders ont organisé ce type de sélection durant
la majeure partie du siècle dernier mais jusqu’à récemment il n’y avait
qu’un seul Challenger.
L’America's cup quitte l'Amérique
L’Australie
était l’une des nations challenger en 1983 et ‘les hommes d’en bas’
utilisèrent une arme secrète. Australia II arborait un kangourou en
position de boxeur sur sa quille à ailettes révolutionnaire qui le
propulsait une vitesse bien supérieure à toutes les allures. Les
australiens gardèrent ce secret bien caché en le protégeant à l’aide de
grandes bâches recouvrant la quille du pont au sol lorsque le bateau
était sorti de l’eau à l’abri des regards tout en suscitant la curiosité
générale.
Dennis Conner, 'Mr. America's Cup', qui était chargé
d’affronter les australiens arrivistes, a largement battu toute la
flotte des challengers puis il a remporté la Louis Vuitton Cup. Cet
été-là, en 1983, l’America's Cup faisait les gros titres de tous les
médias. Ce fut un moment historique : la suprématie du New York Yacht
Club était enfin remise en question au bout de 132 ans. Des problèmes
d’équipements avaient permis à Conner de prendre la tête de la série
mais le skipper australien John Bertrand avait riposté en égalisant le
score à 3-3.
La septième et ultime régate résumait en elle-même
la série, avec Liberty en tête skippé par Conner pendant la plupart de
la course dans un vent faible et instable. Ce ne fut que lors du dernier
bord de spi qu’Australia II put prendre et conserver le contrôle de la
course malgré une dernière tentative vaine lors des minutes restantes.
Pour la première fois en 132 ans, l’America's Cup échappait au New York
Yacht Club.
Conner, alors membre du San Diego Yacht Club, gagna
le droit de se représenter en 1987. A Fremantle, il remporta la Louis
Vuitton Cup qui fit de son syndicat le Challenger auteur d’une victoire
nette 4 à 0. Cette America’s Cup fut un réel spectacle sur l’eau, avec
la célèbre “Fremantle Doctor,” une forte brise marine soufflant
l’après-midi et offrant des conditions de navigation incroyables dans
une mer déchaînée contre les régatiers et leur embarcations.
Retour aux USA
Dennis Conner, félicité par le Président Reagan puis accueilli en héros national dans les rues de New York, n’était pas pressé de communiquer les détails du prochain événement mais la Nouvelle-Zélande, décida de tirer profit d’une faille du Deed of Gift centenaire, en demandant l’organisation d’un nouveau défi immédiat dès 1988.
Le résultat fut que deux styles très différents de bateaux s’affrontèrent, avec les Kiwis à bord d’un énorme monocoque long de 134 pieds contre Conner à bord d’un catamaran doté d’une aile révolutionnaire, beaucoup plus petit mais plus rapide. Les américains remportèrent la série de trois manches et suite à de nombreuses poursuites judiciaires - les équipes passèrent beaucoup plus de temps aux tribunaux que sur l’eau – le résultat resta identique.
Une nouvelle génération - l'America's cup Class
Un
des points positif issu du fiasco de 1988 était la création d’une
nouvelle classe de bateau plus moderne et plus adaptée aux vents faibles
de San Diego : l’America's Cup Class.
![]() |
Bateau de Team New Zealand - Class America |
Selon la jauge, tous les
bateaux devaient se ressembler bien que les architectes pouvaient
cependant améliorer leur vitesse. Cette liberté permettra que les
modèles progressent d’une génération à l’autre.
En 1992, deux
syndicats américains se sont présentés aux Defender Series, durant
lesquelles Dennis Conner fut battu et perdit le droit de défendre la
Coupe contre le milliardaire américain Bill Koch avec son programme de
quatre bateaux America. Du côté des challengers, la Nouvelle-Zélande
rencontra les italiens à bord de Il Moro de Venezia Challenge skippé par
Paul Cayard. Lors de la bataille finale pour la 29ème America's Cup,
Koch, parfois à la barre et son skipper Buddy Melges, défendirent avec
succès l’America's Cup.
L’année des Kiwis
1995
fut l’année des Kiwis. Dirigés par Sir Peter Blake et avec Russell
Coutts à la barre, les Black Magic de Nouvelle-Zélande dominèrent les
autres challengers à San Diego. Puis, ils s’imposèrent face à Dennis
Conner et Paul Cayard, associés pour défendre la Coupe qui fit son
retour dans l’hémisphère sud.
L’équipage de Sir Peter Blake avait
déclaré qu’il n’y aurait pas de Defender Selection Series et Team New
Zealand a tout misé sur des entraînements à domicile, en puisant dans
son réservoir de jeunes talents pour repousser les limites de Coutts.
Au
même moment, la Louis Vuitton Cup de 2000 a offert, ce qui peut être
considéré comme étant sans doute, les deux meilleures semaines de course
dans toute l’histoire de l’America's Cup. Les Italiens du syndicat
Prada vainquirent AmericaOne skippé par Paul Cayard, en gagnant 5 à 4.
Non seulement les séries étaient serrées mais beaucoup de courses se
sont jouées à quelques longueurs avec des changements de leader en
continu.
Mais Luna Rossa de Prada, bien que la bataille fût
rude, ne constitua pas un obstacle pour Team New Zealand. Le skipper
Russell Coutts s’imposa avec son syndicat néo-zélandais 4 à 0 – en
égalisant le record de victoires consécutives dans l’America's Cup
détenu jusque là par Charlie Barr 100 ans plus tôt – avant de passer la
barre à Dean Barker qui devint le plus jeune skipper à l’âge de 26 ans à
remporter l’America's Cup. Team New Zealand semblait alors tellement en
avance comparé aux autres challengers que l’America's Cup paraissait
désormais appartenir au Royal New Zealand Yacht Squadron pour un long
moment à venir.
Mais peu de temps après cette victoire, Russell
Coutts suivi de nombreux fidèles rejoignirent une nouvelle équipe montée
par l’entrepreneur suisse Ernesto Bertarelli.
En quelques mois,
on assista à une scène rappelant les débuts de l’America’s Cup, avec les
hommes d’affaires les plus puissants au monde déclarant leur intention
de s’emparer de la Coupe. Financés par Patrizio Bertelli de la maison de
haute couture Prada, les Italiens étaient de retour aux côtés de trois
syndicats américains solides, des équipes sponsorisées par le guru
d’Oracle software Larry Ellison ainsi que par Pacific Northwest dirigée
par Craig McCaw et Paul Allen. Les autres équipes provenaient de France,
d’Italie, de la Suède et pour la première fois en 16 ans, la
Grande-Bretagne, tenta de récupérer le trophée perdu 151 ans plus tôt.
![]() |
L'aiguière d'argent - Trophée de la Coupe de l'America |
Après
quatre mois de Round Robin et d’élimination, la Louis Vuitton Cup
Challenger Series laissa place à une finale en neuf manches entre
Alinghi l’équipe d’Ernesto Bertarelli et BMW ORACLE Racing de Larry
Ellison. Les deux équipes se présentèrent sur la ligne de départ avec
une liste impressionnante de records à leur actif et les courses qui
s’en suivirent les amenèrent à égalité. Bien que le score final fût de 5
à 1 pour Alinghi, il ne reflétait pas combien les courses étaient
serrées.
La bataille pour remporter la Louis Vuitton Cup avait
formé un challenger très expérimenté et elle abouti à un match très
attendu entre Coutts et son précédent syndicat mené par Dean Barker.
Malheureusement pour les Kiwis, Team New Zealand n’était pas assez
entraîné. Des problèmes techniques eurent raison d’eux
et Alinghi s’imposa 5 à 0, en emportant l’America's Cup en Europe pour
la première fois.
Retour en Europe
Peu
après leur victoire, la Société Nautique de Genève (SNG) accepta le
syndicat du Golden Gate Yacht Club, dans le cadre de l’organisation de
la 32ème America's Cup. Un nouveau protocole fut publié, détaillant les
plans pour l’événement à venir. Il était prévisible que l’arrivée en
Europe de la Coupe signifierait un changement radical pour l’America's
Cup. En profitant de ce que certains percevaient comme étant un problème
pour le nouveau Defender (Il n’y a pas de mer en Suisse), la SNG
annonça que le choix de la ville d’accueil prendrait du temps, en raison
de la prise en compte des critères qui garantiraient des conditions de
navigation fiables.
La règle de nationalités fut abolie,
autorisant les équipes à engager les meilleurs dans leur domaine
indépendamment de leur passeport et les règles de transfert de
technologies d’anciens syndicats étaient assouplies afin que les
nouvelles équipes accèdent aux vieilles informations. Plus important, un
comité d’organisation, AC Management, fut créé et chargé de superviser
tous les aspects de la 32ème America's Cup y compris la Challenger
Selection Series. En bref, l’America's Cup changeait d’ère.
La
32ème édition de l’America's Cup à Valencia, en Espagne, fut un succès à
plusieurs niveaux. En sélectionnant la ville, les organisateurs
générèrent des revenus sans précédent. Un programme de quatre ans amena
l’America’s Cup dans d’autres villes européennes et développa un intérêt
populaire pour l’événement. Et les équipes provenant d’Afrique du Sud
et de Chine, contribuèrent à l’envergure mondiale de l’événement.
Emirates
Team New Zealand, rajeuni grâce à son nouveau dirigeant Grant Dalton,
remporta la Louis Vuitton Cup et gagna à nouveau le droit d’affronter
Alinghi. Mais bien que les Kiwis remportèrent un certain nombre de
courses et en perdirent une à juste une seconde d’écart, le Defender
prouva qu’il était plus fort et conserva son titre.
La bataille des multicoques
Immédiatement
après avoir défendu avec succès la Coupe, la SNG annonça avoir accepté
un nouveau challenge porté par un yacht club espagnol récemment créé, le
CNEV, et elle publia le Protocole pour la 33ème America's Cup.
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Alinghi 5, concurrent de BOR90 en 2010. Il présente un mât de 50m de hauteur. |
Divers
membres de la communauté de l’America’s Cup se montrèrent réticents à
la lecture du Protocol et BMW ORACLE Racing, avec Larry Ellison en tête,
contesta la validité du nouveau yacht club espagnol. Les tribunaux
leurs donnèrent raison et le GGYC devint le challenger of record. Alors
que le GGYC et la SNG furent incapables de parvenir à un accord sur le
nouveau Protocol, la 33ème America's Cup se résuma à un 'Deed of Gift'
Match, comme en 1988.
Il y eut de nombreux procès à l’initiative
des deux parties. A la fin, les deux équipes ayant assimilé la leçon de
1988, construisirent deux énormes catamarans. Puis quelques mois avant
le Match, BMW ORACLE Racing remplaça sa voile souple par une aile, la
plus grande aile jamais conçue.
Lorsque les bateaux se
présentèrent sur la ligne de départ, à Valencia en février 2010, le
trimaran de BMW ORACLE Racing avec son aile puissante domina Alinghi. Le
skipper James Spithill, tout juste âgé de 30 ans, s’imposa 2 à 0.
L’America’s Cup sera, à nouveau, défendue par une équipe américaine lors de la 34ème édition.